mardi 12 novembre 2013

L'infertilité et les médias : mon ras-le-bol

Alors que nous étions en France (et un peu avant notre départ), une vague d'articles concernant l'infertilité, ses traitements et la gratuité de ces derniers a eu lieu.

J'ai suivi à distance cette vague et lu en diagonale la majorité des articles et eu quelques discussions à ce propos sur l'oreiller.  Rien de bien nouveau...  Beaucoup de "Encore une fois, ils oublient que pma c'est aussi hormones et IAC" ou de "Pourquoi ils mettent encore et toujours l'accent que sur les femmes âgées de plus de 40 ans?".

Pour ceux et celles que ça intéresseraient, voici quelques-uns des articles :
Pas une maladie
Procréer à tout prix
Fécondation in vitro : des médecins sonnent l'alarme
La procréation assistée, à hauteur de mère

Je me suis abstenue d'aller lire les réactions du public.  Parce que ceux qui commentent généralement n'y connaissent rien en infertilité et que, par conséquent, leurs commentaires s'en ressentent, parce que je n'ai pas d'énergie à mettre sur la colère que je ressens lorsque je lis ce type de commentaires et, avouons-le, parce que je n'avais tout simplement pas le temps de les lire.

Une blogueuse que j'affectionne tout particulièrement, Marie-Christine Pitre de Une vie entre Paren(thèses), a réagit sur son blogue à ces articles.  Son billet "L'enfant du coeur" me rejoint entièrement!  J'aurais pu écrire ces lignes!

Je crois que, souvent, les médias nous présentent les éléments de façon sensationnelle. Pourquoi toujours sortir des analyses de statistiques du type
Au Québec, plus du quart des femmes ayant recours à la fécondation in vitro sont âgées de plus de 40 ans. C’est le taux le plus élevé au pays. Or, seule une minorité d’entre elles réussiront toutefois à devenir enceintes.
Pourquoi ne pas présenter les statistiques dans l'autre sens c'est-à-dire que 75% des couples ont moins de 40 ans?  C'est moins spectaculaire, ça engendre moins de réactions, donc moins de commentaires, de partages sur fb et, par conséquent, moins de lectorat!

Les médias semblent oublier qu'il y a des couples qui ont commencé jeunes… Qui ont reçu un diagnostic d’infertilité dans la vingtaine ou début trentaine…

Les médias (et peut-être les cliniques aussi) semblent oublier que beaucoup de couple se sont lancés tête première dans les traitements à l’annonce de la gratuité. Un bon nombre d’entre-eux avaient fait le deuil des traitements par manque d’argent… Ils n’y croyaient plus. Puis, après 10 ans, 15 ans, voilà leur chance! C'est l'effet "gratuité".

Les médias semblent oublier que beaucoup de couple sont en FIV dans la trentaine… Après avoir essayé de concevoir dans leur chambre à coucher pendant 1-2-3 ans… Puis après avoir fait les traitements hormonaux… Puis les inséminations. Tout ça avec des pauses pour le corps et d’autres pour la tête…

Les médias semblent aussi oublier de mentionner que "gratuité" ne signifie pas "gratuité à 100%".  Si les traitements en clinique sont couverts à 100%, les hormones ne le sont pas.

D'autre part, ils nous présentent l’adoption comme une solution miracle.  Comme étant LA solution.  Souvent, j'ai l'impression qu'on tente de nous faire culpabiliser : surpopulation, enfants abandonnés qui ont besoin d'amour, etc.

L’adoption, n’est pas LA solution miracle. Déjà, il faut être prêt à recevoir un enfant amoché ou en carence (émotive, substance, etc.) (si on adopte au Québec surtout). Ce n’est pas tout le monde (déjà parents ou pas) qui peut se qualifier pour cette tâche. Les enfants en adoption n’ont pas besoin QUE de l’amour. Tout le monde souhaite un enfant en santé tant physiquement que psychologiquement...  Pourquoi les infertiles devraient-ils faire le deuil de l'enfant biologique et n'auraient-ils pas le droit, eux aussi, d'espérer transmettre leurs gènes? Pourquoi devraient-ils systématiquement se lancer corps et âmes dans un mandat beaucoup plus gros que le simple fait d'éduquer un enfant.  (Attention, je sais que ce n'est pas le cas pour tous les enfants!  J'ai deux enfants adoptés dans ma famille pour qui ça s'est relativement bien passé.)

Aussi, il faut être prêt à débourser beaucoup d’argent (si on adopte à l’international). Étrangement, si on a pas d’argent en banque pour la pma, il n’y en a pas vraiment pour l’adoption… Allez savoir pourquoi! Et puis, faut être prêt à vivre avec les différences, avec le regard des autres, avec le fait qu’on aura pas vu cet enfant « bébé naissant » et qu’il nous manquera une partie de sa vie, avec le fait qu’on aura pas choisi son prénom (adoption au Québec), avec le fait qu’il n’aura pas nos gênes… Il est facile de porter un jugement sans être confronté à cette situation.  C'est facile de dire "Moi ça ne me dérangerait pas!" quand on a déjà un ou des enfants et que cette option n'est pas la seule qui nous reste.  C'est facile quand on ne connait que les belles informations.

Petite anecdote.  Il y a 2 ans, nous sommes allés dans une rencontre d'informations pour l'adoption locale (régionale je devrais même dire!)...  La première chose qui nous a été dites fût : "Aujourd'hui mon mandat sera de vous décourager! Si vous êtes ici c'est que vous êtes déjà vendu adoption!  Vous avez déjà toutes les belles informations!  Aujourd'hui, je vais vous parler du côté sombre, de ce que c'est réellement l'adoption!"

Vous voyez ce que je veux dire?

Les médias semblent bien peu informés quant aux critères entourant l'adoption internationale.  Peut-être devraient-ils aller dans une rencontre d'informations.  Par exemple, ils ne semblent pas savoir que le processus est long et éprouvant, qu’il y a de moins en moins d’enfants disponibles pour l’adoption, que les pays se ferment ou restreignent le nombre d'enfants adoptables. De plus en plus, les enfants adoptables "rapidement" sont les enfants avec handicaps ou maladies X, Y, Z.  

Les médias ne semblent pas savoir que certains pays ont des critères d'IMC et de trouble de santé mentale… Alors si en tant qu'infertile vous avez été mis en arrêt de travail pour trouble de l’adaptation ou pire pour une dépression (vous avez eu de mal à gérer le diagnostic, les traitements, etc...  C'est ballot!), vous pourriez être exclus systématiquement de certains pays.

C'était mon ras-le-bol et, par le fait même, ma mise au point!



8 commentaires:

  1. C'est terrible... j'ai lu la revue de presse d'EmotionsInVitro ce week-end, c'est affligeant... Sur un autre sujet "bouc émissaire" (les hits des médias du moment en France) où je suis concernée, j'avoue que à chaque ligne, chaque mot, chaque commentaire (que je ne lis plus, par protection), mon coeur se serre... mes larmes montent... ma colère est explosive... mon sentiment de solitude est incomblable... J'imagine bien que tu ressens tout cela en ce moment, à chaque Une... à chaque mot idiot au détour d'une rue... c'est horrible à vivre de se sentir le paria d'une société qui considère que tu n'as qu'à te taire et assumer les conséquences de toi-même (soit ce que tu n'as pas choisi, l'infertilité ici). Et puis, parfois les sentiments de honte sont là, surtout ceux là met les de côté... "la honte doit changer de camp", clairement. J'espère que le pays que j'ai tant aimé et que j'admire toujours autant va se relever de ce niveau de bassesse si peu humaine... Courage, bisous.

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    1. Juste.. merci de me lire !
      Je prépare depuis longtemps un message aux médias (j'en avais fait un vite vite cet été avec la fameuse semaine de sensibilisation à l'infertilité dont les médias ne parlaient pas). Mais oufff pas facile écrire ce texte, ça vient chercher des émotions, c'est demandant.. et je les lis les commentaires du public et je veux faire mes réactions aussi à ces commentaires...

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    2. J'essaie de ne pas trop m'en faire avec les commentaires. Je ne les lis pas parce que je sais que, pour la majorité, ce sont des gens qui ont besoin d'un "spot". Ils aiment faire réagir et c'est plus facile de faire réagir négativement que positivement. Se sont souvent les mêmes qui commentent et ce, peu importe le sujet. Quand tu as une opinion sur tout, jamais nuancée, et surtout que tu ne doutes jamais de tes propos, pour moi, l'opinion a peu de poids.

      Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui a osé me tenir des propos dégradants en face à face. Soit ils n'osent pas, soit personne dans mon entourage ne partage ses opinions. Et pourtant, je suis un vrai livre ouvert hahaha. Ça sort tout seul, tout le monde ou presque connais mon histoire.

      Reste que, je trouve qu'il y a une désinformation par les médias...

      Bises

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  2. J'ai pris connaissance des articles que tu cites dans ton billet. Je dois dire que ma lecture, faite pendant une nuit d'insomnie, ne m'a pas aidé à me rendormir tranquillement. Plusieurs commentaires faits par "Monsieur et Madame tout le monde" dans les articles m'ont mis en colère. La manque de connaissances sur le sujet de l'infertilité et de la procréation assistée sont criants et les préjugés trop fréquents. Il y a beaucoup de chemin à parcourir pour sensibiliser les gens...

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  3. Alors là je te rejoins à 200%.
    Je tenais à te le dire. ;-)

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