Ce billet m'a fait réfléchir sur ce que j'ai vécu en début de grossesse et mon malaise... J'ai eu le temps de bien analyser mes émotions concernant l'infertilité dans la dernière année, mais je n'ai pas beaucoup fait d'introspection sur ma grossesse.
Pendant presque toute ma grossesse (jusqu'à la 30e semaine environ), j'ai eu l'impression de me battre contre moi-même et contre les autres! Surtout contre moi-même!
Il y a eu la découverte de la grossesse qui m'a procuré une très grande joie. L'espace de quelques minutes! Et qui a laissé la place à l'incrédulité, le déni et la peur. J'ai dû faire une dizaine de tests de grossesse en l'espace d'un mois pour me rassurer! Ça c'est sans compter toute la saga qui a entourée les prises de sang et mon taux qui n'augmentait pas.
Ensuite est venu le temps de l'annoncer à nos proches. Nous n'en avions tellement pas envie! Nous aurions voulu garder cette nouvelle pour nous... Ne pas laisser les autres entrer dans notre bulle... Celle où nous tentions désespérément de faire du ménage et de trouver un équilibre. Laisser entrer nos proches, c'étaient les autoriser à venir tout chambouler et remettre en question ce que nous vivions et la façon dont nous le vivions. On a de l'expérience là-dedans en tant qu'infertile, n'est-ce pas? Nous savons que trop bien que, malgré leurs bonnes intentions, nos proches peuvent gaffer et ne pas comprendre ce que nous vivons...
On ne s'est pas trompé... Malgré nos demandes, nos mises en garde et nos indications, quelques personnes ont accourus pour nous féliciter, nous dire que "tout se passera bien, c'est arrivé à une de mes amies et elle a accouché d'un beau bébé, il y a quelques mois" et qu'on s'en faisait pour rien. Notre entourage était très heureux pour nous, certains étaient même trop heureux de notre point de vue! On avait l'impression d'être des imposteurs... Nos réactions, lorsqu’on les comparait à celles de nos proches, nous amenaient à croire que nous étions anormaux.
Je crois sincèrement qu'il est normal pour nos proches de vivre une grande joie à l'annonce de la réussite de nos traitements. Je crois aussi qu'il est normal que leurs émotions soient en décalage avec les nôtres. Ils ont vécu de la tristesse et du désarois face à notre situation, mais ils n'ont pas vécus "le monde qui s'écroule" à chacun de nos échecs. Ils n'ont pas vécu tous nos échecs, c'est-à-dire celui du premier mois d'essais, ceux des traitements, ceux des pauses forcées où on espère qu'un miracle se produira malgré qu'on ne soit pas en essai, etc... L'ardoise n'est pas si longue et si négative de leur côté. Pour eux "tout ira bien maintenant" parce que le sort ne peut pas s'acharner sur nous continuellement... Nous, on le sait que Dame Nature peut continuer à s'acharner. Déjà parce que les risques de fausses couches et de grossesses extra-utérines sont plus élevées en PMA, ensuite parce qu'on connaît des personnes qui ont vécus ces échecs et finalement parce qu'on est habitué aux tuiles! Pourquoi en serait-il autrement?
Je pense qu'au moment précis où une 2e ligne apparaît sur un test de grossesse, un sceau de sécurité se développe sur notre cœur! Ce sceau prend du temps à être retiré. Notre tête n'est pas prête à le retirer si facilement. C'est vers la 30e semaine que j'ai commencé à voir disparaître mes réflexes d’infertile et à réaliser que j'étais bel et bien enceinte!
Les personnes "fertiles" avec qui je parlais de ce décalage réagissaient toujours fortement.... J'avais l'impression que mes émotions n'étaient pas normales... Je disais "J'ai l'impression que les gens sont plus heureux que moi! Je n'arrive pas à gérer leurs émotions et les miennes!". On me répondait "Ben là, tu veux quoi! On est heureux! C'est normal! Tu ne devrais pas penser toujours au négatif!"
Oui, c'est normal que vous soyez heureux! Ce qui ne l'est pas c'est qu'on me demande de gérer mes émotions et celles des autres. Ça ne devrait pas être à nous d'en faire plus, mais à eux d'avoir une petite retenue... J'aurais dû me sentir supporter, pas juger!
Bref, certaines discussions m'amenaient à croire que j'étais anormale et que, peut-être, je ne "méritais" pas ce miracle... J'en suis venue à m'isoler de mes amies pour éviter d'entendre parler bébé et surtout pour m'éviter les "Tu verras quand..." et tous ces conseils des "déjà parents". Psychologiquement, je n'étais pas rendue à cette étape... J'étais en train d'assimiler que j'étais enceinte. J'étais loin de l'étape "Je suis une future maman!"
Je me rends compte, en écrivant ces lignes, que plusieurs personnes devaient se dire que notre parcours était maintenant derrière nous... Ranger dans une petite boite fermée à clé! Que mes émotions et mes réactions étaient désormais les mêmes que la population fertile. Oui, c'est vrai! Mais pas totalement...
J'ai l'impression qu'il existe des degrés de séparation psychologique :
- 1 degré de séparation entre la personne fertile et la personne infertile
- 1 degré de séparation entre la personne infertile et la personne infertile "enceinte"...
- 2 degrés de séparation entre la personne fertile et celle infertile "enceinte"....
Finalement, j'ai adopté le profil bas pendant ma grossesse et j'ai choisi mes batailles. Je me suis permise d'assimiler l'étape "Je suis enceinte" à mon rythme! Certains auraient peut-être préférés que ça se fasse plus rapidement... Mais 5 ans et demi d'échecs, ça ne s'efface pas aussi rapidement que ça! Ça ne s'efface jamais complètement, en fait!
En terminant, parce que ce que je viens d'écrire concerne une minorité de personne dans mon entourage (c'est toujours la minorité dérangeante qui est visible, peu importe le sujet), j'aimerais parler de quelques personnes qui ont rendu la grossesse facile...
Ma mère qui a su écouté... Qui n'a jamais jugé... Qui m'a supporté et donné, à chaque fois, des conseils aux moments opportuns.
Ma belle-sœur M. qui téléphonait régulièrement de France pour prendre de mes nouvelles. D'ailleurs, pendant nos traitements (et mon arrêt de travail, il y a quelques années), elle a toujours été présente, mais jamais omniprésente! Sans le savoir (ou peut-être qu'elle le savait), elle me rassurait dans mes émotions... Elle s'informait, lisait des forums. Elle compatissait! D'ailleurs, c'est elle qui sera la marraine de notre fille chérie. Elle nous a permit de voir que les 6000 km qui nous séparent n'empêchent pas la proximité.
Et les autres membres de ma famille qui n'ont jamais forcé les choses, qui lisaient le blogue et qui nous ont respecté dans notre façon de vivre la grossesse.
Merci à vous!
Je l'avoue... Je suis nostalgique... |
Tu décris précisément ce que je suis en train de vivre en ce moment. Les annonces ont été faites et mon petit bidon ne me permet déjà plus de garder ça pour moi. Les gens sont heureux. Plus que moi, qui reste encore assez distance face à cette grossesse surtout qu'il n'y a pas si longtemps je saignais encore (vive les décollements) et que ça menace de recommencer si je force de trop.
RépondreSupprimerMon homme réagit comme les fertiles. Pour lui, la PMA c'est fini, on est passé de l'autre côté. Il ne comprend pas trop "mon négativisme" comme il dit mais je suis tellement habituée à avoir une tuile qui me tombe sur le coin de la figure que je garde mon sceau de sécurité. Je ne peux pas m'en défaire au grand désarroi de deux sage-femmes que j'ai rencontrée.
IL faudra du temps...
Biz
Il faudra du temps, en effet! C'est difficile à expliquer et les gens autour de nous se disent qu'on devrait se réjouir! On est heureuse, mais on se garde une petite réserve de "on sait jamais"...
SupprimerMême après la naissance de Charlotte, ça semble encore, parfois, irréel!
Ah mais je comprend tellement. Je n'ai aucune envie de le dire à mon entourage. Ni maintenant, ni plus tard. j'ai l'impression que je devrais jouer à celle qui est heureuse alors que je ne me sens pas enceinte (et j'ai l'impression que comme toi ça va prendre du temps). La seule chose qui a changé à se jour, c'est que je ne suis pas en train de programmer le prochain TEC ni de convaincre mon homme que j'ai besoin de faire une longue pause PMA. Je n'ai pas envie de partager ça.
RépondreSupprimerAvec mon mari on se disait "chaque chose en son temps!". On a d'abord assimiler le fait que j'étais enceinte et ensuite le fait que nous allions être parents.
SupprimerMais j'avoue que l'une des choses pour laquelle je me suis réjouie le plus rapidement c'est l'absence de rdv PMA!