dimanche 16 décembre 2012

Fertilité 64 : Projet de couple ou actualisation d'une identité?



Votre aspiration intime la plus profonde,
le rêve que vous aimeriez réaliser plus que tout au monde
est celui pour lequel vous êtes venu au monde. 
-Barbara Ann Brennon-


Hier, en faisant du ménage dans la chambre qui accueillera notre fille à la fin avril, je suis tombée sur des dessins que j'ai fait lorsque j'étais petite. Yvon et moi les avons regardé en riant et en statuant de mon ÉNORME talent de fillette âgée de 2, 3 et parfois 4 ans.  Au milieu des cartes "Bonjour maman.  Je t'aime maman. Tu es belle maman.", il y avait des dessins de fleurs, de ma famille, de canards, de chats et même une carte se voulant en 3D pour mon père.  

Un dessin, par contre, a attiré notre attention plus que tous les autres...  Celui-ci :


En fait, c'est surtout la légende écrite par ma maman qui a attirée notre attention : "Marie-Ève et son bébé dans son ventre. 22-11-84".  J'avais presque 3 ans!

Qui peut me dire maintenant que ce n'est pas inscrit en nous, les femmes, de faire des bébés?  On joue à la maman, on s'imagine un jour maman, on se dessine enceinte dès l'âge de 3 ans...  On n'imagine pas que ça n'arrivera pas!

Voilà pourquoi l'infertilité fait mal à la femme désirant des enfants!
Voilà pourquoi l'infertilité dévaste cette femme!

C'est ancré si profondément en nous, c'est si bien enraciné, que c'est l'identité que l'on s'est construite depuis qu'on est toute petite qui nous fait défaut et qui s'effondre!  Cette identité inconsciente qui, finalement, était fausse!  Comment pourrions-nous (les femmes) ne pas être affectées et arriver a, tout bonnement, "lâcher prise" comme tant de personne nous le recommandent?

Est-ce que c'est pour ça que la femme semble vivre plus difficilement l'infertilité?  Si je ne me trompe pas, c'est du côté féminin que l'on retrouve le plus de dépression et de détresse quand on parle de l'infertilité... Je comprend mieux, grâce à ce dessin, pourquoi tant de femmes posent l'ultimatum "Avec ou sans toi!" à leur conjoint réfractaire aux traitements.  Ce n'est pas uniquement un "projet de couple", c'est leur identité qui est remise en question.   Qu'est-ce qui est plus fort?  Un projet de couple ou une identité qui n'arrive pas à s'actualiser ou, pire, qui s'effondre?

Quand je regarde les couples faisant face à l'infertilité dans mon entourage, les hommes les plus impliqués sont généralement ceux souffrant d'une infertilité.  J'ai l'impression, et peut-être qu'elle est mauvaise, que la majorité des hommes semble ne pas être affectée... Est-ce une façade?  Une protection? Nous laissant croire, à nous les femmes, qu'ils sont forts et capable d'en prendre?  Peut-être que leur douleur est si grande qu'ils n'arrivent pas à l'extérioriser...  Peut-être que c'est la honte qui les forcent à paraître détaché...  Peut-être que cette majorité s'en fout réellement...

De mes cours sur la psychologie de l'enfant, je n'ai pas souvenir que le petit garçon se dessine avec des enfants, avec ses enfants!  Je peux me tromper, par contre...  Le désir de fonder une famille arriverait donc plus tard pour eux?  Je ne sais pas...  C'est assurément une piste que j'explorerai dans mon projet de fin de DESS.

Bref, ce dessin m'a frappé...

Je comprend mieux maintenant pourquoi l'infertilité m'a atteinte si profondément, pourquoi elle m'affecte encore et pourquoi elle m'affectera toujours!  C'est mon identité qui a été atteinte et altérée!  Pas seulement  mon corps!


6 commentaires:

  1. Les femmes vivent plus mal l'infertilité que les hommes peut-être aussi parce que c'est sûr elles que s'exercent les pressions à la maternité. Il n'y a pas si longtemps encore, le seul chemin possible, c'était le mariage et les enfants. Les femmes qui refusent d'être mère sont toujours suspectes. On reconnait plus volontier aux hommes le droit de s'épanouir en dehors de la paternité (c'est même vivement encouragé). Mais les hommes souffrent, eux aussi. Le mien m'a dit un jour que son infertilité est ce qu'il a vécu (et vit toujours) de plus dur. Et pourtant, il a perdu ses deux parents tôt et il a eu un cancer. Je crois qu'on ne les autorise pas assez à exprimer leur souffrance. Les hommes, ça doit être fort, blablabla.

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    1. Le mien aussi a trouvé et trouve encore ça difficile... La pression sociale est grande sur leurs épaules... On n'imagine pas à quel point ça peut leur faire mal... En tout cas, ton conjoint a bien su l'exprimer!

      Pour la pression sur les femmes, imagine qu'au Québec, l'Église catholique a été plus que présente jusque dans les années 60... Alors, le mariage signifiait bébé. Les femmes cachaient les moyens pour "ralentir" la famille... Ça c'est quand elles se le permettaient, car elles n'étaient pas convaincu d'aller en enfer!

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  2. J'aime beaucoup ce message Marie-Eve! C'est vraiment très touchant!! Je me rappelle moi aussi petite vouloir une panoplie d'enfants, me mettre des bourrures sur le ventre pour faire un ventre de femme enceinte et j'aimais tellement les enfants, que je disais que je voulais être pédiâtre!! Pour ma part, l'infertilité a failli me tuer, car ça m'atteignait au plus profond de mon être et de mon identité même. Si je n'avais pas réussi à être mère, je serais sans doute poussière à ce jour. Car m'imaginer sans enfant, j'ai essayé et essayé, afin de m'enlever cette énorme douleur qui m'envahissait, mais ce n'était pas moi. Moi, je suis née pour être mère. C'est aujourd'hui ma plus grande passion! On me dit que je devrais me trouver des loisirs, une autre passion, mais rien ne m'intéresse pour l'instant. Je rêvais d'être mère, je le suis devenue et je le savoure pleinement.

    Mollie

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    1. Merci pour ton témoignage!
      On ne vit pas toutes les étapes avec la même intensité... Les hommes aussi... Par chance!

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  3. Je me souviens de ce dessin...j'attendais ton frère....un beau billet ...très touchant... les dessins et les cartes de nos enfants sont les plus précieux souvenirs. L'infertilité et son combat à fait naître chez toi un magnifique don de l'écriture et fait grandir ta facilité de communication d'informations....Bravo !Malheureusement les hommes en souffrent et la société les contraint encore à refouler ces émotions et ces désirs de petit bébé...vous serez de merveilleux parents.

    Maman XXXXX

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    1. Oui, les hommes en souffrent... mais pas tous... En tout cas, pas tous avec la même intensité... Je crois que l'homme hyper fertile est souvent moins affectés que celui infertile ou stérile...

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