vendredi 15 mars 2013

DESS 3 : L'infertilité côté MASCULIN

Texte tiré du TN2 : Recension des écrits

Photo tirée du site www.journaldesfemmes.com

Le désir d'enfants n'est pas que féminin. On s'en doute. Certaines ont un conjoint qui affirme haut et fort leur désir, du moins dans le couple. En parler avec la famille, les amis, les collègues, c'est autre chose. D'autres femmes font face à un homme qui laisse croire qu'ils font ça pour elles, que d'avoir un enfant ou non, n'est pas si important que ça... Certains hommes peuvent même nous laisser croire qu'ils sont froids, sans émotions, par rapport à ce désir et à l'infertilité.

Si c'est vrai pour certains hommes, est-ce que ça l'est pour la majorité? Est-ce seulement une façade?

C'est un angle que je dois aborder dans mon essai. Voici donc le résultat de mes recherches.

* * * * *

La paternité

La paternité serait influencée par la pression sociale, mais dans une moindre mesure qu'elle l'est chez la femme. De plus, elle serait une construction assez récente et résulterait du mouvement féministe des années 1970 dans lequel la femme occidentale a demandé à son conjoint d’être présent et d’assumer le rôle de père (1).

Les hommes seraient plus enclins à accepter d’autres rôles que celui de la parentalité. Ce rôle étant souvent considéré comme secondaire (2). Dans la même lignée, l’homme sans enfant serait moins souvent critiqué que la femme et moins jugé comme étant un homme égoïste (3).  C'est autre chose pour la femme...  Mais ça, nous en reparlerons dans un autre billet!

Le désir de paternité serait influencé par des facteurs tangibles et assurant le futur bien-être de sa famille tel que l’état de santé et la situation financière et matérielle (4).

Perceptions et impacts de l'infertilité

Lorsqu'il est le porteur du diagnostic d'infertilité, monsieur vivrait une atteinte à son identité et à son intégrité. Le vocabulaire médical étant souvent dévalorisant et dévirilisant, un homme sur quatre se sentirait « moins qu’un homme » (5). L’homme se sentirait marginalisé et son estime de soi pourrait être affectée.  Finalement, pour l'homme et la société, la paternité relèverait de la masculinité et de la virilité d’un homme. L’homme affirme sa virilité par le biais de la grossesse de sa conjointe et la grossesse étant synonyme de sa capacité de procréation (6, 7 et 8).

Une association malsaine est d’ailleurs créée entre infertilité et impuissance ou absence de virilité (6, 9, 10, 11, 12 et 13). Cette association malsaine peut engendrer des troubles sexuels (9 et 10). D'ailleurs, 22% des hommes développeraient une dysfonction érectile modérée ou sévère, 23% une dépression modérée ou sévère et auront un score faible au niveau de l’estime de soi et, finalement, 50% développeront une éjaculation rapide, de l’anxiété et de l’angoisse de performance (12).

Le lien entre l’anxiété et les difficultés sexuelles serait plus fort chez l’homme que chez la femme et il pourrait amener l’homme à vouloir retrouver son identité masculine à travers les aventures extra-conjugales (5).

Finalement, l’infertilité masculine ferait naître la culpabilité de ne pas pouvoir donner un enfant à sa femme et une souffrance générationnelle (11).

Il n'est donc pas surprenant, à la lumière des informations précédentes, que l'homme ressentent des pertes dans sa vie.  Selon l'homme, le sentiment de perte peut être en lien avec la filiation génétique et la transmission de leur nom de famille.  Elle peut aussi être de l'ordre de leur identité sexuelle et de leur capacité à contrôler leur existence et à pourvoir aux besoins de leur partenaire (14).

Une crise de vie

L’infertilité est aussi vécue comme une crise de vie, tant du côté féminin que masculin. Un diagnostic d’infertilité masculine serait, toutefois, plus stressant pour les deux partenaires que celui de l’infertilité féminine (2). Peut-être parce qu'il y a moins de solutions pour une infertilité ou une stérilité masculine...

Par contre, les hommes vivraient plus facilement l’infertilité à moyen et long terme. Le fait qu'ils ne reçoivent pas la majorité des traitements contribueraient à cette facilité. Ils préserveraient une image de soi plus favorable et passeraient plus facilement par-dessus les émotions négatives engendrées par l’infertilité et la vie sans enfants. Ils seraient plus réalistes face aux données médicales et auraient moins tendance à interpréter différemment les informations données par les médecins afin de se protéger des émotions négatives (2).

Toutefois, ce n’est pas parce que l’impact psychologique est minimal qu’il est inexistant. Les hommes seraient moins enclins à confier leurs émotions et ils exprimeraient différemment leur douleur. Ce qui laisserait croire que l’homme ne vit pas de douleur. En réalité, ils se sentent souvent impuissants, incompétents et inutiles face à la douleur et au chagrin féminin (2 et 8).  

Ne pas se confier ne serait pas aidant puisque les hommes qui ne parlent pas de l'infertilité et des traitements démontreraient un niveau de bien-être plus faible contrairement à ceux qui se confient (15). Et puis, parlant moins, ils recevraient moins de support social (16).

Et pendant les traitements?

Les hommes, ne subissant pas les traitements et ayant un rôle minimal dans ces derniers, il n'est pas surprenant qu'ils les vivent différemment. D'ailleurs ils se sentent parfois coupables de n’être que des témoins alors que la femme se donne corps et âme (5). 

Contrairement à la femme, le stress proviendrait de moins de sources et serait moins intense (17). Leur stress en serait un de performance lors des traitements. La masturbation étant nécessaire pendant les IAC et les FIV, certains hommes rencontreraient des troubles de l’érection ou une anéjaculation affectant la performance attendue le jour J. De plus, pour certains hommes, il s’agirait d’un acte inconnu ou allant à l’encontre de leurs croyances (12).

Finalement, les hommes s’autorisent plus difficilement à parler des traitements, des craintes et des émotions qu’ils ressentent. Tel qu’indiqué précédemment, ils ne veulent pas ajouter du stress à leur conjointe déjà sous pression (17). J'en reparlerai dans un autre billet, mais selon plusieurs études, c'est justement le fait de ne pas en parler et de sembler indifférent qui causerait le plus de stress à la conjointe et, par conséquent, affecterait le plus le couple.


* * * * *

Voilà!  J'aurais encore d'autres informations à vous donner...  mais...  je me suis contentée de ce que j'ai fait ressortir dans ma recension des écrits!  C'est déjà pas mal, non?

Vous en pensez quoi?
Ça vous rejoint?  Ou pas?
Vous reconnaissez votre conjoint?


Sources :
  1. Papa à raison (2013). L’homme de la Révolution tranquille. Historia. Émission du 4 mars 2013.
  2. Dhillon, R., C. E. Cumming et D. C. Cumming (2000). Psychological well-being and coping patterns in infertile men. Fertility and sterility. Vol. 74. No 4.
  3. Kikendall, K. A. (1994). Self-discrepancy as an important factor in adressing women’s emotional reactions to infertility. Professional psychology : Research and practice. Vol. 25. No 3.
  4. Gray, E., A. Evans et A. Reimondos (2012). Childbearing desires of childless men and women : When are goals ajusted ? Advances in Life Course Research. 
  5. Letombe, M. et B. Lachowsky (2008). Répercussion psycho-sexuelles de l'infertilité et de sa prise en charge. Extrait des mises à jour en gynécologie médicale. Vol. 8
  6. Gannon, K., L. Glover et P. Abel (2004). Masculinity, infertility, stigma and media reports. Social science and medicine. N0 59.
  7. Rosenblum, O. (2007). Désir d’enfant : Une folle passion. Gynécologie, obstétrique et fertilité. No 35.
  8. Jaoul, M., Molina Gomes, D., Albert, M., Bailly, M., Bergere, M. et J. Selva. (2009). Prise en charge psychologiques des échecs de procréation, au masculin : une blessure peut en cacher une autre. Gynécologie, obstétrique et fertilité. No 37.
  9. Coëffin-Driol, C. et A. Giami. (2004) L'impact de l'infertilité et de ses traitements sur la vie sexuelle et la relation de couple : revue de la littérature. Gynécologie, Obstétrique et Fertilité. No 32.
  10. Pirard, C. (2010) Désir d'enfant, désir sexuel : quand infertilité et sexualité se bousculent. Louvain Med. Vol. 129. No 9.
  11. Jaoul, M. (2011). L'échec de procréation : ses conséquences sur le sujet et dans le couple : prise en charge des couples en AMP. Séminaire COCHIN.
  12. Salama, S., Boitrelle, F., Gauquelin, A., Jaoul, M., Albert, M., Bailly, M., Wainer, R. et M. Veluire. (2012). Gynécologie, obstétrique et fertilité. No 40.
  13. Bermingham, S. (2011). Vivre avec l'infertilité. Lorsque l'enfant ne parait pas. Bayard Canada Livres. Montréal.
  14. Takefman, J. (2009) Problèmes psychologiques liés à l'infertilité masculine. Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité. Consulté en ligne : http://iaac.ca/fr/content/probl%C3%A8mes-psychologiques-li%C3%A9s-%C3%A0-l%E2%80%99infertilit%C3%A9-masculine.
  15. Schmidt, L., T. Tjornhoj-Thomsen, J. Boivin et A. Nyboe Andersen (2005). Evaluation of a communication and stress management training programme for infertile couples. Patient Education and Counseling. No 59.
  16. Agostini, F., F. Monti, L. De Pascalis, M. Paterlini, G. Battista La Sala et I. Blickstein. (2011). Fertility and sterility. Vol. 95. No 2.
  17. Boivin, J. et L. Schmidt (2005). Infertility-related stress in men and women predicts treatment outcome 1 year later. Fertility and sterility. Vol. 83. No 6 

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